Retour aux articles
2017 : une année électorale (aussi) pour les entreprises
Social - IRP et relations collectives
21/03/2017
David Blanc, avocat associé du Cabinet Fromont Briens, revient sur les options offertes aux PME par l’alignement des mandats CHSCT sur les mandats CE.
Longtemps décriée comme une règle disproportionnée et inadaptée à la taille des entreprises, le seuil symbolique de 50 salariés a finalement été maintenu pour la mise en place des instances CE et CHSCT. En guise de consolation, la loi Rebsamen du 17 août 2015 a apporté trois aménagements notables. D’une part, elle a étendu le mécanisme de la DUP aux entreprises dont l’effectif est compris entre 200 et 299 salariés. D’autre part, elle a prévu l’insertion du CHSCT dans une DUP « nouvelle formule », ce qui n’était pas possible auparavant. Enfin, alors que la durée des mandats CHSCT était restée à deux ans, la loi a consacré leur alignement sur la durée des mandats CE (en général quatre ans).
Ces aménagements vont produire leurs effets selon les échéances électorales propres aux entreprises, mais pour plusieurs d’entre elles l’année charnière sera 2017. Au-delà du choix des électeurs sur la sélection de leurs représentants, les employeurs seront d’abord confrontés à un véritable choix tactique sur la future configuration de leurs instances.
Retour sur les options offertes avec leurs avantages et inconvénients.
Première option : ne rien faire
Sur le papier, c’est l’option la plus simple à mettre en œuvre mais elle implique en réalité une multiplication des rendez-vous électoraux dans l’hypothèse par exemple de mandats CHSCT qui expireraient en juin 2017 (durée mandat : 2 ans) et de mandats CE qui prendraient fin en décembre 2017 (durée mandat : 4 ans).
Dans ce cas de figure, l’entreprise va devoir renouveler son CHSCT en juin, en réunissant le collège désignatif, et pour une durée de mandat limitée à six mois puisque le nouvel article L.4613-1 du Code du travail précise que les mandats CHSCT prennent fin en même temps que le mandat des élus CE. On s’est beaucoup interrogé sur la mesure transitoire visée à l’article 16 VII de la loi Rebsamen, suivant lequel l’alignement des mandats CHSCT/CE intervient à l’occasion du prochain renouvellement du « comité en place », sans préciser si l’on parle du CE ou du CHSCT. D’un point de vue strictement lexical, tout porte à penser qu’il s’agit du CHSCT puisque le texte y fait référence en début de phrase, et l’on peut en déduire que l’alignement se produit lors du premier renouvellement du CHSCT postérieur à la loi Rebsamen.
Des élections professionnelles seront ensuite déclenchées en décembre pour renouveler les mandats CE (pour quatre ans), puis le collège désignatif se réunira à nouveau dans la foulée pour élire les nouveaux membres CHSCT (pour quatre ans également).
Au final, l’entreprise aura organisé trois scrutins en 2017 (sans compter les DP).
Deuxième option : passage à la DUP « nouvelle formule » au moment du renouvellement du CHSCT
En application de la l’article L.2326-1 du Code du travail, l’entreprise de moins de trois cents salariés pourrait immédiatement adopter la DUP « nouvelle formule » à l’occasion du renouvellement CHSCT (juin 2017 dans notre exemple). Dans ce cadre, les mandats CE et DP (ou les mandats de la DUP « ancienne formule ») peuvent voir leur durée prorogée ou réduite dans la limite de deux ans pour que leur échéance coïncide avec la date de mise place de la délégation unique. En clair et toujours en référence à notre exemple, les mandats CE/DP qui devaient expirer en décembre 2017 pourraient prendre fin prématurément en juin, moyennant une élection unique et générale qui constituerait une DUP globale pour quatre ans.
Outre qu’elle épargne l’organisation de plusieurs scrutins la même année, cette solution est assez simple à mettre en œuvre puisqu’elle ne nécessite pas (pour les entreprises de moins de trois cents salariés) la conclusion d’un accord d’entreprise avec les syndicats : une simple consultation préalable de chaque instance suffit. Quant à la DUP « nouvelle formule », il faudra organiser son élection sur la base des règles régissant l’élection du CE, contrairement à la DUP « ancienne formule » qui reposait sur les règles électorales des DP.
En incluant le CHSCT dans la DUP, l’employeur va pouvoir réduire considérablement le nombre de réunions ordinaires par rapport à l’ancienne formule : de 16 réunions ordinaires par an (une réunion mensuelle pour la DUP CE/DP et une réunion CHSCT par trimestre), on passerait à 6 réunions ordinaires par an (une réunion tous les deux mois dans la DUP CE/DP/CHSCT). De la même manière, le nombre de mandats va diminuer mais le volume global des crédits d’heures devrait augmenter selon les configurations d’effectif.
Exemple pour une entreprise de 180 salariés
Troisième option : prorogation des mandats CHSCT dans l’attente d’un passage à la DUP « nouvelle formule »
Toujours sur la base de notre exemple, l’idée consiste à proroger les mandats CHSCT, dont l’expiration est programmée en juin, de manière à basculer dans la DUP « nouvelle formule » en décembre lors du renouvellement des mandats CE/DP. Cette possibilité est permise par l’article L.2326-1 précité, qui revient à proroger la durée des mandats CHSCT (dans la limite de 2 ans) de manière à ce que leur échéance coïncide avec la date de mise en place de la DUP.
Selon toute vraisemblance, cette prorogation pourrait résulter de la seule décision unilatérale de l’employeur sans qu’il soit besoin de signer un accord collectif (unanime ou majoritaire) avec les syndicats. Bien que la loi ne l’impose pas expressément, on conseille aux entreprises d’assurer l’information formelle de toutes les instances sur la décision de prorogation.
A notre sens, une prorogation fondée sur l’article L.2326-1 traduit clairement l’engagement de l’employeur de mettre en place, à terme, la DUP « nouvelle formule » à l’échéance des mandats. Une rétractation de l’employeur aurait pour effet de rendre illicite la décision de prorogation dont la validité est subordonnée (en dehors du cadre défini par l’article L.2326-1) à un accord unanime des syndicats si la prorogation intervient en cours de mandat. Faute d’accord, l’entreprise court un sérieux risque sur la validité des consultations et avis qui seraient intervenus au cours de la prorogation.
Alignement des mandats et concomitance des élections : comment fait-on ?
Si l’employeur décide de ne pas instaurer la DUP, il n’en demeure pas moins que la durée des mandats CHSCT sera alignée sur celle des mandats CE, c’est-à-dire pour quatre ans en général. Faute de recourir à la DUP « nouvelle formule », deux élections successives devront être organisées : élection CE et DP (ou DUP « ancienne formule »), puis élection CHSCT par le collège désignatif composé des nouveaux élus CE/DP. Malgré l’alignement des mandats, il va nécessairement se produire un décalage (pouvant varier de quelques semaines à plusieurs mois) entre la proclamation des élus CE/DP et l’élection du CHSCT, ne serait-ce que pour avoir le temps matériel d’organiser le scrutin : première réunion du collège désignatif pour fixer les règles d’organisation du scrutin, délai éventuel pour le dépôt des candidatures, deuxième réunion du collège désignatif pour procéder au vote ...
Pour éviter cette carence, le décret du 29 juin 2016 a inséré à l’article R.4613-5 du Code du travail la faculté, par accord unanime des nouveaux élus CE, de proroger les mandats CHSCT dans la limite de six mois, ce qui devrait donner à l’entreprise le temps d’organiser l’élection.
On s’interroge toutefois sur la nature de l’accord unanime qui est requis :
> Qui vote ? A priori tous les membres élus CE, y compris les suppléants.
> Quelle forme doit prendre cet accord ? Accord atypique, délibération, vote inscrit au procès-verbal de réunion...
> L’abstention d’un élu suffit-elle à faire échec à la règle de l’unanimité ?
On imagine que certaines entreprises préfèreront courir le risque d’une carence temporaire de CHSCT (qui peut être très courte) plutôt que de s’inscrire dans une démarche incertaine de prorogation.
Par David Blanc, avocat associé du Cabinet Fromont Briens
Ces aménagements vont produire leurs effets selon les échéances électorales propres aux entreprises, mais pour plusieurs d’entre elles l’année charnière sera 2017. Au-delà du choix des électeurs sur la sélection de leurs représentants, les employeurs seront d’abord confrontés à un véritable choix tactique sur la future configuration de leurs instances.
Retour sur les options offertes avec leurs avantages et inconvénients.
Première option : ne rien faire
Sur le papier, c’est l’option la plus simple à mettre en œuvre mais elle implique en réalité une multiplication des rendez-vous électoraux dans l’hypothèse par exemple de mandats CHSCT qui expireraient en juin 2017 (durée mandat : 2 ans) et de mandats CE qui prendraient fin en décembre 2017 (durée mandat : 4 ans).
Dans ce cas de figure, l’entreprise va devoir renouveler son CHSCT en juin, en réunissant le collège désignatif, et pour une durée de mandat limitée à six mois puisque le nouvel article L.4613-1 du Code du travail précise que les mandats CHSCT prennent fin en même temps que le mandat des élus CE. On s’est beaucoup interrogé sur la mesure transitoire visée à l’article 16 VII de la loi Rebsamen, suivant lequel l’alignement des mandats CHSCT/CE intervient à l’occasion du prochain renouvellement du « comité en place », sans préciser si l’on parle du CE ou du CHSCT. D’un point de vue strictement lexical, tout porte à penser qu’il s’agit du CHSCT puisque le texte y fait référence en début de phrase, et l’on peut en déduire que l’alignement se produit lors du premier renouvellement du CHSCT postérieur à la loi Rebsamen.
Des élections professionnelles seront ensuite déclenchées en décembre pour renouveler les mandats CE (pour quatre ans), puis le collège désignatif se réunira à nouveau dans la foulée pour élire les nouveaux membres CHSCT (pour quatre ans également).
Au final, l’entreprise aura organisé trois scrutins en 2017 (sans compter les DP).
Deuxième option : passage à la DUP « nouvelle formule » au moment du renouvellement du CHSCT
En application de la l’article L.2326-1 du Code du travail, l’entreprise de moins de trois cents salariés pourrait immédiatement adopter la DUP « nouvelle formule » à l’occasion du renouvellement CHSCT (juin 2017 dans notre exemple). Dans ce cadre, les mandats CE et DP (ou les mandats de la DUP « ancienne formule ») peuvent voir leur durée prorogée ou réduite dans la limite de deux ans pour que leur échéance coïncide avec la date de mise place de la délégation unique. En clair et toujours en référence à notre exemple, les mandats CE/DP qui devaient expirer en décembre 2017 pourraient prendre fin prématurément en juin, moyennant une élection unique et générale qui constituerait une DUP globale pour quatre ans.
Outre qu’elle épargne l’organisation de plusieurs scrutins la même année, cette solution est assez simple à mettre en œuvre puisqu’elle ne nécessite pas (pour les entreprises de moins de trois cents salariés) la conclusion d’un accord d’entreprise avec les syndicats : une simple consultation préalable de chaque instance suffit. Quant à la DUP « nouvelle formule », il faudra organiser son élection sur la base des règles régissant l’élection du CE, contrairement à la DUP « ancienne formule » qui reposait sur les règles électorales des DP.
En incluant le CHSCT dans la DUP, l’employeur va pouvoir réduire considérablement le nombre de réunions ordinaires par rapport à l’ancienne formule : de 16 réunions ordinaires par an (une réunion mensuelle pour la DUP CE/DP et une réunion CHSCT par trimestre), on passerait à 6 réunions ordinaires par an (une réunion tous les deux mois dans la DUP CE/DP/CHSCT). De la même manière, le nombre de mandats va diminuer mais le volume global des crédits d’heures devrait augmenter selon les configurations d’effectif.
Exemple pour une entreprise de 180 salariés
Avant | Après |
DUP CE/DP : 20 h mensuelles X 8 titulaires | DUP CE/DP/CHSCT : 21 h mensuelles X 9 titulaires |
CHSCT : 5 h mensuelles X 3 élus | |
Total mensuel = 175 h | Total mensuel = 189 h |
Troisième option : prorogation des mandats CHSCT dans l’attente d’un passage à la DUP « nouvelle formule »
Toujours sur la base de notre exemple, l’idée consiste à proroger les mandats CHSCT, dont l’expiration est programmée en juin, de manière à basculer dans la DUP « nouvelle formule » en décembre lors du renouvellement des mandats CE/DP. Cette possibilité est permise par l’article L.2326-1 précité, qui revient à proroger la durée des mandats CHSCT (dans la limite de 2 ans) de manière à ce que leur échéance coïncide avec la date de mise en place de la DUP.
Selon toute vraisemblance, cette prorogation pourrait résulter de la seule décision unilatérale de l’employeur sans qu’il soit besoin de signer un accord collectif (unanime ou majoritaire) avec les syndicats. Bien que la loi ne l’impose pas expressément, on conseille aux entreprises d’assurer l’information formelle de toutes les instances sur la décision de prorogation.
A notre sens, une prorogation fondée sur l’article L.2326-1 traduit clairement l’engagement de l’employeur de mettre en place, à terme, la DUP « nouvelle formule » à l’échéance des mandats. Une rétractation de l’employeur aurait pour effet de rendre illicite la décision de prorogation dont la validité est subordonnée (en dehors du cadre défini par l’article L.2326-1) à un accord unanime des syndicats si la prorogation intervient en cours de mandat. Faute d’accord, l’entreprise court un sérieux risque sur la validité des consultations et avis qui seraient intervenus au cours de la prorogation.
Alignement des mandats et concomitance des élections : comment fait-on ?
Si l’employeur décide de ne pas instaurer la DUP, il n’en demeure pas moins que la durée des mandats CHSCT sera alignée sur celle des mandats CE, c’est-à-dire pour quatre ans en général. Faute de recourir à la DUP « nouvelle formule », deux élections successives devront être organisées : élection CE et DP (ou DUP « ancienne formule »), puis élection CHSCT par le collège désignatif composé des nouveaux élus CE/DP. Malgré l’alignement des mandats, il va nécessairement se produire un décalage (pouvant varier de quelques semaines à plusieurs mois) entre la proclamation des élus CE/DP et l’élection du CHSCT, ne serait-ce que pour avoir le temps matériel d’organiser le scrutin : première réunion du collège désignatif pour fixer les règles d’organisation du scrutin, délai éventuel pour le dépôt des candidatures, deuxième réunion du collège désignatif pour procéder au vote ...
Pour éviter cette carence, le décret du 29 juin 2016 a inséré à l’article R.4613-5 du Code du travail la faculté, par accord unanime des nouveaux élus CE, de proroger les mandats CHSCT dans la limite de six mois, ce qui devrait donner à l’entreprise le temps d’organiser l’élection.
On s’interroge toutefois sur la nature de l’accord unanime qui est requis :
> Qui vote ? A priori tous les membres élus CE, y compris les suppléants.
> Quelle forme doit prendre cet accord ? Accord atypique, délibération, vote inscrit au procès-verbal de réunion...
> L’abstention d’un élu suffit-elle à faire échec à la règle de l’unanimité ?
On imagine que certaines entreprises préfèreront courir le risque d’une carence temporaire de CHSCT (qui peut être très courte) plutôt que de s’inscrire dans une démarche incertaine de prorogation.
Par David Blanc, avocat associé du Cabinet Fromont Briens
Source : Actualités du droit