Retour aux articles

Directeur général adjoint : mandat social ou contrat de travail ?

Afrique - Ohada
04/10/2017
Le directeur général adjoint est lié à la société par un « contrat de mandat », le contrat de travail n’est envisagé que lorsqu’il exerce un deuxième emploi effectif. L’analyse du professeur Bréhima KAMÉNA, agrégé des facultés de droit, Université des sciences juridiques et politiques de Bamako (USJPB), Directeur du Groupe de recherches appliquées antenne Lascaux (GRAAL).
Dans cette affaire, la requérante reprochait à l’arrêt confirmatif de la cour d’appel de Yaoundé d’avoir fait application des dispositions du Code du travail, plutôt que celles de l’Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE (AUSCG) pour déclarer l’incompétence de la juridiction civile. Or, selon elle, d’une part, aux termes de l’article 20 des statuts renvoyant aux articles 471 à 476 de l’AUSCG, le directeur général adjoint assiste le directeur général en vertu d’un mandat et que les modalités et le montant de sa rémunération sont fixés par le conseil d’administration et, d’autre part, il est de doctrine que « les litiges surgissant entre la société et le directeur général adjoint sont exclusivement de la compétence des tribunaux civils ».
 
Cette affaire soulève la question suivante : le directeur général adjoint est-il lié à la société par un contrat de mandat ou par un contrat de travail ?
 
Après avoir visé les articles 471, 473 et 475 de l’AUSCG, la CCJA casse l’arrêt de la cour d’appel en ces termes : « le directeur général adjoint est lié à la société par un contrat de mandat (…) le contrat de travail n’est envisagé que lorsqu’il exerce un deuxième emploi effectif ». L’analyse portera, d’abord, sur le contrat de mandat du directeur général adjoint et, ensuite, sur son contrat de travail.
 
Il ressort des faits que la requérante a été recrutée à Lomé (Togo), le 14 octobre 1998, par la société Ecobank moyennant un salaire mensuel de 2 400 000 F CFA et qu’à la création de la filiale Ecobank Cameroun, le 16 novembre 1998, elle y a été nommée directrice générale adjointe par délibération du conseil d’administration. 
 
Cette nomination conférait à la requérante la qualité de dirigeant social. Pour autant, peut-on qualifier cette relation de contrat de mandat ? Certes, l’article 470 de l’AUSCG emploie le terme mandat (« Sur la proposition du président-directeur général, le conseil d’administration peut donner mandat à une ou plusieurs personnes physiques d’assister le président directeur général en qualité de directeur général adjoint. »). Certes, la situation des dirigeants sociaux est proche de celle des mandataires par le fait qu'ils représentent la société dans les rapports de celle-ci avec les tiers, il n'en demeure pas moins, cependant, qu'ils sont des représentants légaux et non conventionnels (v. dans le même sens Juglart M. et Ippolito B., Cours de droit commercial, vol. 2, Les sociétés commerciales depuis les réformes de 1966 1967 1968, 3e éd., Montchrestien, 1968, p. 145, n° 452 ; Anoukaha F, Cissé A. et alii, OHADA - Sociétés commerciales et G.I.E., Bruylant, Collection Droit uniforme africain, 2002, p. 50, n° 72 ; Ripert G., Roblot R. et alii, Traité de droit des affaires, t. 1, vol. 2, Les sociétés commerciales, 19e éd., LGDJ, 2009, p. 130, n° 1149). Leurs attributions sont, pour l'essentiel, déterminées par la loi et, à ce titre, hors de portée de la liberté contractuelle.
 
À notre connaissance, c’est la première fois que la CCJA fait référence au « contrat de mandat ». Dans un précédent arrêt, elle avait décidé qu’en l’absence de la preuve d’un contrat de travail distinct, le directeur général « doit être considéré comme n’ayant qu’un mandat social révocable ad nutum conformément aux dispositions de l’article 492 de l’AUSCGIE » (CCJA, 1re ch., 29 févr. 2016, n° 033/2016 ; v. aussi CCJA, 1re ch., 8 mars 2012, n° 013/2012 ; CCJA, 1re ch., 12 févr. 2015, n° 003/2015).
 
Toutefois, l’admission par l’Acte uniforme du 30 janvier 2014 relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE (nouvel AUSCG) de la société par actions simplifiée pourrait introduire le « contrat de mandat social » dans l’espace OHADA, comme cela est déjà le cas en France. En effet, la pratique française, portée par la flexibilité de la SAS, a vu se développer des engagements contractuels portant souvent cette dénomination. « Ces engagements sont conclus entre la société ou son associé majoritaire et le futur dirigeant dans le but de contractualiser les termes et conditions du mandat social qui ont été négociés » (Bonneau P. et Delhaye A., La pratique du "contrat de mandat" dans les SAS, La lettre du 24 mars 2014, Option Finance, p. 3).
 
Quid du contrat de travail ? Il ressort également des faits que la requérante continua à percevoir le même salaire pendant qu’elle exerçait ses fonctions de dirigeant jusqu’à sa démission le 22 août 2001. Cependant, il résulte des articles 426 et 473 de l’AUSCG que, sauf stipulation contraire des statuts, le directeur général adjoint peut être lié à la société par un contrat de travail, si celui-ci correspond à un emploi effectif (v. dans le même sens CCJA, 1re ch., 29 févr. 2016, n° 033/2016, précité ; CCJA, 1re ch., 8 mars 2012, n° 013/2012, précité : le contrat de travail signé entre un directeur général de société anonyme, distinct du mandat exercé par ce dernier conformément aux articles 426 et suivants de l'Acte uniforme sur les sociétés commerciales, ne correspond à aucun emploi effectif et ne saurait relever du juge social ; CCJA, 1re ch., 12 févr. 2015, n° 003/2015, précité : Il résulte des articles 473 et 426 de l'AUSCG que le mandataire social qui se prétend également titulaire d'un contrat de travail, doit démontrer que ledit contrat correspond à un emploi effectif). Or, même si la requérante percevait un salaire mensuel, elle n’exerçait aucun emploi effectif différent des fonctions de dirigeant. Par conséquent, il n’existait pas de cumul entre ses fonctions de dirigeant et un contrat de travail. Sur ce point, la décision de la CCJA emporte notre adhésion. Elle serait la même sous le nouvel AUSCG dans la mesure où la rédaction des articles 426 et 473 est restée sans changement. 
Source : Actualités du droit