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Redressement judiciaire et liquidation des biens : décisions exécutoires de droit

Afrique - Ohada
01/06/2018
Le jugement entrepris a été rendu en matière de liquidation de biens ; il est exécutoire de droit nonobstant opposition ou appel.
Dans cette affaire, les requérants faisaient grief à l’ordonnance n° 127 rendue le 3 avril 2015 par le premier président de la cour d’appel d’Abidjan d’avoir suspendu l’exécution d’un jugement rendu en matière de liquidation des biens, au motif que cette exécution risquait d’entraîner des conséquences manifestement excessives, en violation, selon eux, de l’article 217 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif (AUPCAP) du 10 avril 1998 qui prévoit l’exécution par provision dudit jugement.
 
Cette affaire soulève le problème juridique suivant : le président de la cour d’appel peut-il suspendre l’exécution provisoire d’un jugement rendu en matière de liquidation des biens ?
 
Au visa de l’article 217 de l’AUPCAP précité, la CCJA annule l’ordonnance attaquée en ces termes : « le jugement entrepris a été rendu en matière de liquidations de biens ; (…) il est exécutoire de droit nonobstant opposition ou appel ». 
 
Aux termes de l’article 217 de l’AUPCAP précité, « les décisions rendues en matière de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, sont exécutoires par provision, nonobstant opposition ou appel, à l’exception de la décision homologuant le concordat, ainsi que des décisions prononçant la faillite personnelle ».
 
Il résulte de cette disposition un principe et deux exceptions. Le principe est qu’en matière de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, les décisions rendues par le juge sont exécutoires de droit par provision, nonobstant opposition ou appel. Les deux exceptions portent limitativement, d’une part, sur la décision homologuant le concordat et, d’autre part, sur les décisions prononçant la faillite personnelle.
 
Le jugement dont l’exécution a été suspendue par le président de la cour d’appel d’Abidjan portait sur le reversement des paiements perçus pendant la période suspecte par un créancier et n’était relative à aucune des deux exceptions précitées. Dès lors, c’est le principe qui s’appliquait et la décision du premier juge était donc exécutoire par provision. En outre, l’AUPCAP précité ne prévoit aucune possibilité de suspension de ladite décision. L’arrêt commenté emporte, par conséquent, la conviction.
 
Par cet arrêt, la CCJA confirme sa jurisprudence antérieure (CCJA, 2e ch., 23 mars 2017, n° 053/2017, T. K. et A. G. c/ Société YARA Côte d’Ivoire, http://biblio.ohada.org/pmb/opac_css/doc_num.php?explnum_id=2299).
 
Cependant, l’arrêt commenté a une portée limitée sous l’empire de l’AUPCAP du 10 septembre 2015. En effet, ce texte prévoit à l’article 217 un alinéa 2 nouveau qui dispose : « Par exception, et en cas d’appel, l’exécution provisoire de la décision prononçant la liquidation des biens peut être suspendue par le président de la juridiction d’appel à la demande du ministère public ou du débiteur et seulement en cas de violation manifeste de la loi applicable ». Cette disposition introduit la suspension exceptionnelle des décisions exécutoires par provision prévues par l’article 217, alinéa 1er.
Source : Actualités du droit